Une ambition qui ne tient qu’à une fenêtre

1299832_3_3547_photo-prise-le-6-aout-2009-de-la-fenetre-d-un_723b04bb63caae74a38617d2b92d18e3

«Si seulement j’avais une petite fenêtre, je me serais senti roi. Le problème est que même si je fais un trou dans le mur, je me retrouverai chez les voisins». Si seulement Yassin, jeune marié égyptien de 29 ans, savait que dans toutes les déclarations des droits de l’homme, le droit au logement ne prévoit pas seulement l’existence d’«une fenêtre» mais il prévoit aussi, entre autres, un lieu salubre naturellement aéré et éclairé qui respecte l’intimité et l’indépendance.

Yassin a loué un appartement dans un quartier populaire, qui lui coûte les trois-quarts de son salaire. Mais ce n’est pas un appartement dans le vrai sens du terme : il comprend une seule chambre ainsi qu’une salle avec «cuisine américaine», comme l’appelleraient les personnes de la haute société, mais que la femme de Yassin appelle «poêle, bassin et robinet». Le seul problème de Yassin c’est qu’il n’a pas de fenêtre !

La crise de l’immobilier en Égypte n’est pas d’aujourd’hui ; elle est le résultat des politiques adoptées – depuis l’ouverture économique initiée par l’ex-président Mohammed Anouar el-Sadate- qui se sont rangées du côté des riches aux dépens des pauvres et de la classe moyenne. Ainsi, des lieux aussi insolites et insalubres qu’un garage, qu’un commerce, que les toits des immeubles voire que les cimetières, sans parler des bidonvilles, sont devenus des logements en bonne et due forme.

La crise a atteint son paroxysme au point où les projets de mariage ne tiennent plus qu’à un… appartement. La majorité des jeunes Égyptiens qui désirent se marier se doivent d’avoir un appartement, qu’il soit loué ou acheté. Et comme rares sont ceux qui peuvent se permettre d’acheter une nouvelle maison, la solution pour la plupart est la location. Toutefois, même ce deuxième choix reste difficile puisque les prix des locations sont supérieurs ou égaux aux rentrées de ces jeunes Égyptiens. Le comble, c’est que même ceux qui réussissent à se payer la location ne se sentent pas «bien installés», ou même sont menacés d’éviction. Pire encore, il suffit d’être «propriétaire d’une maison», homme ou femme, pour devenir, aux yeux de tous, le parti idéal !

Si tous les discours politiques revendiquent le droit des jeunes à un logement et celui des jeunes mariés à des crédits et des facilités, ils ne sont que des paroles dans le vent. Les seules victimes de cette crise restent ceux qui sont à la recherche d’un toit pour abriter leur nouveau foyer – même une simple chambre sans fenêtre – en attendant que la nouvelle Constitution consacre le droit au logement.

Le logement et l’itinérance en chiffres

– Plus de 15,5 millions d’Égyptiens vivent dans des bidonvilles, soit plus de 3 millions de familles alors qu’il existe plus de 8,5 millions de logements neufs inhabités.

– Environ 18% des familles égyptiennes vivent dans une seule chambre et partagent les toilettes avec d’autres familles.

– Un quart de million de familles égyptiennes possèdent trois maisons privées, un million en possède deux, 8 millions de familles en possèdent une seule alors que 3 millions n’ont rien.

أمينة خيري. ” الطموح في مصر يرقى إلى نافذة لا تطل على الجيران !”، في الحياة، 12 نوفمبر/تشرين الثاني 2012، http://alhayat.com/Details/451891

Crédit photo : AFP/OLIVIER LABAN-MATTEI