Chercheurs : Votre « charabia » vous fait du tort

« Simplifier ou périr » risque de remplacer le syndrome du monde universitaire « publier ou périr ». Et pour cause : les articles scientifiques deviennent de plus en plus illisibles, c’est ce que révèle une étude publiée en 2017 dans eLife, un journal scientifique en anglais en libre accès.

L’illisibilité compromet les chances d’être lu et cité. Les chercheurs ont donc intérêt à suivre ces trois règles bien simples pour rendre leurs articles accessibles non seulement à leurs collègues mais aussi au grand public et surtout aux jeunes chercheurs.

Limiter l’emploi des sigles et des acronymes

« Pénibles à lire » et la situation va de mal en pis, c’est ainsi qu’Adrian Barnett, un statisticien de The Queensland University of Technology en Australie, décrit la situation actuelle des publications scientifiques où abondent les acronymes nouveaux et indéchiffrables.

En témoigne cette phrase extraite d’un article en anglais publié en 2002 sur la solidité des os des jeunes athlètes : « RUN had significantly (p < 0.05) greater size-adjusted CSMI and BSI than C, SWIM, and CYC; and higher size, age, and YST-adjusted CSMI and BSI than SWIM and CYC. »

Si SIDA, ADN et VIH sont des sigles ou des acronymes bien utiles et compris par tous, d’autres rendent le texte illisible car ils sont moins évidents à comprendre que leur forme complète.

Multipliée par dix depuis 1956, la fréquence des acronymes est passée de 0,4 acronyme par 100 mots à 4 acronymes par 100 mots. Ce constat est « accablant », considère Barnett, d’autant plus que la majorité de ces acronymes est rarement utilisée.

Réfléchir deux fois avant d’utiliser de nouveaux sigles ou acronymes est le conseil qu’il donne donc aux chercheurs car si le résumé est difficile à comprendre, la chance que l’article soit lu en entier sera nécessairement minime. 

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Raccourcir les titres et les phrases

Les titres des articles qui ont le plus grand facteur d’impact sont ceux qui comportent 10 mots seulement, a révélé une étude effectuée l’année dernière sur les spécificités des articles les plus cités.

Les phrases excessivement verbeuses et les mots difficiles rendent non seulement les articles scientifiques illisibles mais ils compromettent aussi leurs chances d’être cités.

Se contenter de s’adresser à son public cible de spécialistes est une bonne chose mais ce n’est pas, en principe, la seule vocation d’un chercheur, considère un spécialiste en neurosciences, co-auteur de la présente étude entreprise en 2017.

Chasser le jargon inutile

Préférer le jargon aux termes simples est aussi une tendance qui s’accentue dans les articles scientifiques. Les sciences sont certes compliquées et le jargon est inévitable, concèdent les auteurs de l’étude, mais cela ne justifie pas cette tendance.

La reproductibilité des textes scientifiques ne peut en effet être garantie que si les conclusions des recherches sont validées par une tierce partie de manière indépendante. Pour ce faire, les méthodes suivies et les résultats obtenus devraient être compréhensibles.

L’étroite corrélation entre l’usage du jargon et les citations a d’ailleurs été démontrée dans une prépublication qui a prouvé que le jargon qui figure dans le titre et le résumé réduit le nombre de citations de l’article.

Le jargon suscite, par ailleurs, chez les initiés un sentiment d’exclusion, révèle un autre article, d’où la nécessité d’écrire de manière plus adaptée pour que les lecteurs avertis – qui ne sont pas nécessairement des chercheurs – comme les décideurs, les journalistes et les patients, puissent comprendre.

Largement financée par les deniers publics, la recherche scientifique devrait être en principe accessible à M. et Mme Tout-­le-monde. Appel donc aux chercheurs pour qu’ils simplifient leurs écrits afin que leurs lecteurs, quels qu’ils soient, puissent les comprendre, sans douter de leurs compétences à chaque phrase, et surtout pour faciliter la tâche des traducteurs, comme nous, chargés d’assurer une large diffusion de leurs travaux dans différentes langues.

Singh Chawla, D. (10 September 2020). Science is getting harder to read.
Nature Index. https://www.natureindex.com/news-blog/science-research-papers-getting-harder-to-read-acronyms-jargon?utm_source=Nature%20Briefing&utm_campaign=38a29cc4a2-briefing-dy-20200917&utm_medium=email&utm_term=0_c9dfd39373-38a29cc4a2-43651549&fbclid=IwAR1omBsVMIosZdoGfQ0Mw8ZCRGQ8928muAj1F5Zwglahoq-mCgXMNOYE138#.X2SXzc9_O04.facebook
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Une réflexion au sujet de « Chercheurs : Votre « charabia » vous fait du tort »

  1. L’article est très intéressant. Ayant toujours été assez déroutée par les nombreux acronymes trouvés un peu partout, je suis tout à fait d’accord avec vous !

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